Tradition(s) et autorité(s)

J’ai le plaisir de vous convier à la Journée des Doctorants 2019 de l’ED Pratiques et Théories du Sens, que j’ai coorganisée avec – entre autres – Rachel Colombe et Flavio Foresi, aura pour thème « Tradition(s) et autorité(s) », et se déroulera le 14 mai 2019 à Paris 8, bât. B1, salle 106, de 9h à 18h. Vous trouverez ci-dessous le propos de la journée, ainsi que son programme.

Par souci de rompre avec le schéma traditionnel des journées d’études, où les communiquants se succèdent mécaniquement et n’ont d’interactions que d’assez ennuyeuses « questions-réponses », nous avons divisé la journée en quatre dialogues. Il a été demandé aux membres de chacun des « binômes » d’échanger en amont, afin de mettre en place les conditions d’une discussion qui, du moins nous l’espérons, permettront de faire ressortir les liens entres leurs communications.

Propos

Tradition est issu du latin trādo, faire passer […], transmettre, remettre 1. Pourtant, il semble que les traditions soient plus que des processus de transmission : ce qui s’y transmet façonne, ou légitime le social. Ainsi les traditions sont-elles investies d’une autorité. Mais en quoi celle-ci consiste-t-elle ?

Considérées comme mémoires des peuples, survivances du passé, les traditions relèvent, en réalité, d’une construction continuelle, habitent le présent, et se veulent orientation des futurs. Mais comment sont-elles produites, répétées, ou (re)créées ? Quels sont leurs espaces d’élaboration, d’incarnation et leurs agents ?

Par ailleurs, si les traditions passent ordinairement pour faire obstacle à l’innovation, ne pourrait-on pas avancer, avec Kojève, que s’opposer à leur autorité équivaut à une réaction contre soi-même, une sorte de suicide 2 ? Ne pourrait-on pas, a contrario, les penser comme centrales et déterminantes pour l’innovation ?

Les traditions, ou plutôt leur mise au singulier, forment souvent un clivage paradigmatique avec la modernité. De même, l’autorité est perçue comme mise en crise par la modernité et le progrès ou la nouveauté qui y sont associés. Mais que traduisent ces dichotomies ? Qu’advient-il de ces binarités lorsque l’on distingue ces notions de celles prolongées d’un -isme (modernisme, traditionalisme, autoritarisme) ? Comment alors penser la plurivocité des conservations ou des renouvellements des traditions et des autorités ?

S’il est une connivence entre autorité et tradition, et qu’elle n’est pas sans rappeler celle qui lie pouvoir et savoir, on peut alors se demander comment s’imbriquent leurs souverainetés, et dans quelles aires – politiques, artistiques, scientifiques – elles sont (dé)situées. Quels sont les termes des luttes et conciliabules entre les traditions, l’autorité et celles.eux qui tentent de s’en émanciper ?

La tradition s’inscrit dans une économie de l’autorité, au double sens d’une circulation de capitaux (symboliques 3) et d’un oikonomos 4. Le déséquilibre entre détenteur.trice.s et non-détenteur.trice.s génère un « paysage » comportant un centre – où l’autorité serait maximale – et des marges – où elle serait minimale –. Quelles sont les différentes régions de ce paysage et les routes – centrifuges, centripètes ou traversières – qui s’y tracent ? De quelles stratégies la tradition use-t-elle pour administrer et/ou défendre ses « demeures » ?

Programme

9h00 > Accueil

9h30 > Présentation de la journée

DIALOGUE 1 : DE LA FILIATION À L’HYBRIDATION

10h00 > Marina KOZLOVA (LHE / Paris 8 / RGGU)
La tradition flamande chez Émile Verhaeren et James Ensor : un ressort de modernité

10h20 > Sara FADABINI (LHE / Paris 8 / Rutgers University)
Deleuze contre Deleuze. Pour en finir avec la hiérarchie des arts chez Marcel Proust

10h40 > Discussion modérée par Kévin BIDEAUX

11h00 > Pause

DIALOGUE 2 : TRANSMISSIONS ET INTERFÉRENCES

11h30 > Augustin LEROY (LHE / Paris 8)
Enjeux et valeurs du contresens dans l’enseignement de la littérature

11h50 > Diego PAZ (LEGS / Paris 8)
L’épistémologie féministe comme contestation de la prétendue neutralité bolsonarienne

12h10 > Discussion modérée par Rachel COLOMBE

PAUSE DÉJEUNER (12h30 - 14h00)

CONFÉRENCE (14h00)
Jonah SIEGEL (Rutgers University), The Authority of Broken Things, or the Tradition of Vandalism and the Modernity of Ruins (Between the Abbé Grégoire and Aloïs Riegl)

DIALOGUE 3 : (DÉS)OBÉIR

14h45 > Andrea Pastorello (Università degli Studi di Genova)
Tradere. Sur la tradition en architecture, de la Strada Novissima à l’Hôtel Fouquet’s Barrière

15h05 > Mina TSAROUCHI (GERPHAU / ENSAPLV)
Défaire pour refaire l’autorité : désobéissance civile en milieu urbain

15h25 > Discussion modérée par Fodnot JACINTHE et Guillaume RANGHEARD

15h45 > Pause

DIALOGUE 4 : MODERNITÉ ET MÉTAMORPHOSES

16h15 > Camille ROELENS (RECIFES / Université d’Artois / EC Saint-Étienne)
L’autorité à l’épruve des totalitarismes

16h35 > Nourhan BADAWY (LABTOP / Paris 8)
Du corps sacré au corps objet : Islam, modernité et trafic d’organes

16h55 > DIscussion modérée par Flavio FORESI

17h15 > Conclusion