À qu(o)i les maisons (se) ferment (et (s’)ouvrent)
Récits des origines chez Vitruve et Le Corbusier
Bien avant les urgences présentes, et comme le soulignait J. Rykwert dès les années 1960, l’arkhè a été un compagnon de longue date des architectes, sous la forme d’un récit des origines. Ainsi ce dernier a-t-il été pour eux un outil récurrent, qu’il se soit agi d’alimenter des traditions (Vitruve, Le Filarète), de tisser la succession d’événements jugés probables (Choisy) ou bien d’énoncer des axiomes (Laugier, Semper, Le Corbusier).
Notre thèse en cours, qui opère dans un temps long allant de Vitruve à Le Corbusier, a pour point de départ une constante de ces récits : l’idée que l’abri fut le mobile initial du construire. De là, nous tentons de cerner l’altérité – réelle ou imaginée – dont l’abri prémunit, et de répondre à la question : de quoi l’abri abrite-t-il ?
Notre communication se fondera sur les récits des origines de l’architecture chez Vitruve (De Architectura, II, 1) et Le Corbusier (Vers une architecture, III). Nous tenterons d’abord de mettre en regard deux démarches – respectivement conservatrice et prospective –, en tant que modes du recours à l’initialité. Ensuite, nous chercherons à saisir ce dont, chez chacun, l’abri abrite. Nous verrons que s’il s’agit pour le premier de la rudesse de la nature, il s’agit, pour le second, de celle des villes, c’est-à-dire d’autrui. Enfin, à partir de cette mutation de l’« agresseur », nous essayerons de montrer que le fait d’envisager le construire comme un abriter, comme une fermeture à un Autre, implique une ouverture à ce qui n’est pas cet Autre.
Autrement dit, que s’abriter impose de se définir.
Or, à l’heure d’une transition écologique devenue urgente, n’est-il pas tout aussi urgent que nous (re)définissions notre place dans le monde, c’est-à-dire à quoi nous déciderons de fermer nos demeures, et à quoi nous les ouvrirons ?