Défense d’entrer !

J’ai le plaisir et l’honneur d’annoncer que ma proposition de communication a été retenue pour la Journée des Doctorants de l’ED Pratiques et Théories du Sens, qui aura pour thème « Passage(s) et transgression(s) », et se déroulera le 15 mai 2018 à Paris 8, bât. B1, salle 106. Je prendrai la parole à 10h, dans le cadre de la première table ronde, intitulée : « Le passage comme espace-temps transgressif ». Ceux qui souhaiteraient venir m’écouter trouveront ci-dessous l’abstract.

Défense d’entrer !
L’architecte comme médiateur

Dans une démarche qui croise architecture, philosophie et histoire des imaginaires et s’inscrit dans un temps long allant de Vitruve à Le Corbusier, notre thèse en cours a pour départ l’idée que, dans les récits des origines de l’architecture, l’abri fut tenu pour le mobile initial du construire. De là, nous tentons de cerner l’altérité – réelle ou imaginée – dont l’abri prémunit, et de répondre à la question : de qu(o)i l’abri abrite-t-il, et comment ?

Or, si l’abri commence avec la paroi, mur ou toit qui défend des éléments et d’autrui, on observera avec B. Goetz qu’il n’y a pas d’habitation sans passages 1, pas d’édifice réellement habitable sans por(t)es. Ainsi la maison est-elle, plus qu’un arrangement de parois, le lieu d’un battement entre des allées et des venues 2, un système de mouvement 3 liant des espaces à topologie variable 4. Et dès lors, le construire ne peut-il être conçu comme l’acte par lequel on régule la porosité du monde ?

Du reste, un édifice a toujours un destinataire. Tout construire est un construire-pour, impliquant un construire-contre. Mais cette vision dialectique de la maison comme contre-univers 5 se révèle dans les faits unilatérale, sinon solipsiste. L’habitant légitime y est presque toujours l’objet des plus longs développements, et le passage souvent pensé comme celui des semblables, de ceux de [la] tribu 6. L’Autre, en particulier s’il est a-gressif, trans-gressif, est laissé en marge – des maisons et des discours.

L’architecture semble être un champ privilégié pour penser le passage dans son rapport à la transgression, et de même semble à son tour pensable à partir de cette notion. Passage et transgression n’y sont-ils pas coextensifs, du fait que trangresser y consiste à aller où on ne doit pas aller ? L’architecte, fabricant de porosité(s), ne produit-il pas de fait les conditions matérielles de rapports de forces ? De ce point de vue, dans quelle mesure pourrait-il être pensé comme un médiateur ?

Nous tenterons de répondre à ces questions en trois temps. D’abord à partir de Trophonios, architecte évoqué dans l’Hymne à Apollon et par Pausanias 7. Demi-dieu et bâtisseur de temples, il fut puni par Gaïa – pour cambriolage. Postulé comme archétype, effecteur puis transgresseur des normes, il nous permettra de formuler les enjeux d’un construire pensé comme médiation.

Nous évoquerons ensuite l’architecte et cambrioleur G. L. Leslie, écho historique de Trophonios et figure-limite qui, par le mésusage [de] sa formation professionnelle 8, se constitua en menace contre le contrat social urbain 9.

Nous proposerons enfin une étude de cas, avec une traversée critique du MuCEM 10, édifice poreux et rusé s’inscrivant dans un double dialogue, à la fois symbolique – par sa proximité avec un édifice clos, défensif 11 – et concret – par l’entremêlement qui s’y opère entre musée et promenade publique.